Faire respecter la loi en terrain mouvant

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Le comité de la communauté de Kandergaon
Faire face à l'adversité: Le comité de résistance de la communauté de Kandergaon. Iqbal Kabir de l’organisation BELA se tient au centre auprès de Mdenayet, tout vêtu de blanc. Crédit: BELA

Mdenayet Ullah est un leader de la petite collectivité de Kandergaon, en bordure de Dhaka, capitale du Bangladesh. Imam de la mosquée locale, il a fondé l’école primaire du village. Loin d’être riche, Kandergaon est tout de même assez prospère, car les terres qui bordent le fleuve Meghna sont fertiles et permettent de faire trois récoltes par année. Cela assurait une vie agréable aux 400 familles ayant une ferme aux abords du village. Tout a changé en 2009 : des villageois se sont précipités chez Mdenayet pour lui dire que des barges pompaient le sable au fond du fleuve et le rejetaient dans les champs, ensevelissant leurs fermes.

Les gens du village ont protesté. Il s’agissait de leur terre et ils ne l’avaient vendue à personne. Mais, selon les dires, la terre appartenait désormais à une entreprise qui voulait bâtir un complexe immobilier de luxe. En réponse à leurs protestations, des hommes de mains ont été envoyés pour les tabasser.
L’entreprise a versé des pots-de-vin aux politiciens locaux pour qu’ils abandonnent les gens du village à leur sort. C’est comme si la primauté du droit avait cessé d’exister. Le désespoir a commencé à poindre chez les villageois, voyant que 71 acres étaient déjà perdus et que l’entreprise prévoyait en remplir 800.

C’en était trop : Mdenayet a formé un comité de résistance pour défendre les terres du village. Le comité a contacté l’homologue d’Inter Pares, la Bangladesh Environmental Lawyers Association (BELA). L’avocat Iqbal Kabir, l’un des fondateurs de BELA, a accepté de défendre la cause malgré les risques que cela comportait.

Des risques bien réels, dont Mdenayet a fait l’expérience en 2011, quand il a été arrêté sous de fausses accusations et sauvagement battu. Des intérêts puissants ont aussi tenté d’influencer Iqbal. On lui a offert d’énormes sommes illicites pour qu’il abandonne d’autres causes. On a pénétré chez lui par effraction et volé des dossiers liés à des causes délicates. Mais Iqbal et les avocats de BELA croient en la primauté du droit et veulent l’appliquer pour défendre les droits des collectivités.

Iqbal a rencontré les gens du village sur une base régulière, pour préparer la cause et renforcer les capacités du comité. En 2012, le ministère de l’Environnement a sommé l’entreprise de cesser le pompage et de retirer le sable déversé sur les terres agricoles. Le pompage a cessé, mais l’entreprise a refusé de restaurer les terres. Elle a plutôt décidé d’y bâtir un poste de garde pour protéger son investissement.

BELA a porté l’affaire devant les tribunaux et remporté la cause du village. En mars 2014, l’entreprise a été sommée de restaurer les terres. Il s’agit d’une énorme victoire, mais en raison des lenteurs du système judiciaire, Iqbal s’attend à trois autres années de conflit juridique. Il reste toutefois persuadé que la collectivité finira par gagner.

Des personnes et des entreprises puissantes et sans scrupules peuvent commettre ce type d’injustices en toute impunité au Bangladesh, mais les collectivités organisées, soutenues par des groupes comme BELA, peuvent contre- attaquer en ayant recours à des mécanismes juridiques. La saine gouvernance et la justice ne peut être assurée par les tout-puissants. Elle provient de la base, quand les citoyennes et les citoyens connaissent leurs droits et exigent le respect.

La saine gouvernance et la justice ne peut être assurée par les tout-puissants. Elle provient de la base, quand les citoyennes et les citoyens connaissent leurs droits et exigent le respect.

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